L’ostéopathie : du grec osteon =  os et pathos =  affection est un art thérapeutique qui prend racine au  19 ème siècle aux états unis.

 

Concept et fondement  de la discipline :

 

Deux pionniers sont à retenir dans le développement de la pratique actuelle de l’ostéopathie : Herbert Spencer, philosophe anglais, et Andrew Taylor Still, médecin américain.

 

Herbert Spencer tente d'élargir le concept évolutionniste développé par Darwin en biologie et à tous les domaines des activités humaines, notamment la psychologie, la sociologie, l’éthique, etc :  il tente de donner une explication globale de l’évolution des êtres à partir des lois ordinaires de la mécanique. Parmi elles, on peut citer :

 

  • L’unité de tout système vivant : chaque partie vit pour et par l’ensemble.
  • L’étroite relation de la structure et de la fonction.
  • Le mouvement (changement) comme manifestation première de la vie.
  • La nécessité de la libre circulation des fluides au sein d’un système vivant.
  • La capacité du corps à produire les substances nécessaires à son fonctionnement.
  • La faculté d’un organisme vivant à s’auto réguler et à surmonter la maladie.
  • Les lois de cause à effet.
  • L’inconnaissable.

Remarque personnelle : il est intéressant de noter la modernité des phrases citées ci dessus, dans les concepts des systèmes de l'information des entreprises (approche systémique), en particulier.

Je renvoie le lecteur curieux au livre du Dr Jean-Marie Gueullette " L'ostéopathie, une autre médecine" pour prendre connaissance finement de l'histoire de l'ostéopathie et de sa place "objective" dans le monde scientifique et médical actuel.

 

 

C’est dans les travaux de Herbert Spencer, qu’Andrew Taylor Still, fondateur de l’ostéopathie, trouvera les éléments qui lui permettront d’élaborer un cadre conceptuel à l’ostéopathie dans Premiers Principes (1862) et Principes de biologie (1864).

Andrew Taylor Still est à ce moment là, farouchement opposé à la médecine traditionnelle allopathique telle qu'elle était pratiquée aux états-unis : à savoir à base d'alcool, de mercure, d'opium. 

En 1874,  très affecté par sa propre expérience personnelle, puisqu'il perd sa première  femme et trois de ses enfants de maladie infectieuse, il rompt avec la médecine traditionnelle de son époque. Il puise dans la médecine grecque, égyptienne, indienne, dans son expérience propre de traitement manuel qu'il découvre un peu par hasard en traitant les dysenteries chez les enfants,  que le rétablissement de la santé est en lien avec l’équilibre du squelette.

 

Il formalise ses observations dans les documents cités plus haut (« Premiers Principes » (1862) et « Principes de biologie » (1864) ) et reçoit, en 1892, l’autorisation de fonder The American School of Osteopathy à Kirksville, petite ville du Missouri (Etats-Unis), autorisation plus politique que scientifique d'ailleurs, mais qui témoigne tout de même de l'ouverture d'esprit américain sur d'autre manière de soigner.

 

La relêve en Europe, le développement du concept :

 

Les études du Dr Still  seront complétées par les découvertes de ses élèves, dont l’ostéopathe -enseignant physiologue John Martin Littlejohn, pour qui «  la fonction d’un organe impacte aussi la structure » , insistant ainsi sur la réciprocité des causes à effets entre la structure ostéo-articulaire du corps humain et les fonctions qu'elles portent ou supportent, et par extension sur le lien très étroit, réciproque, entre la structure de tout organe et la fonction physiologique qu'elle assure.

L’ensemble de ces premiers  travaux vont permettre à l’ostéopathie d'étendre son concept et ses techniques manuelles, structurelles (ostéo-articulaires) et viscérales (concernant les viscères et le système vasculaire assez peu connu à cette époque).

 

En 1900, un de ses disciples, William G. Sutherland, diplômé de la première école américaine d’Ostéopathie, découvre l’ostéopathie crânienne, et en particulier que l’emboîtement des os, «  leurs articulations » favorisent la malléabilité du crâne pour un développement plus harmonieux du cerveau humain, dont la maturation n’est pas acquise à la naissance. Ce n'est que bien plus tard que la science reconnaîtra la structure embryonnaire membraneuse des os de la voûte du crane et cartilagineuse souple de la base du crâne.

 

Le Dr Rowlling-E Becker, disciple de G. Sutherland met aussi en place un concept faisant appel à la notion de "forces biodynamiques" intrinsèques et extrinsèques au corps humain, donnant ainsi naissance à une ostéopathie basée sur la "bioénergie".


C'est Paul Gény, kinésithérapeute de formation de base, puis ostéopathe formé en Angleterre, qui fonda en 1950 la première Ecole Française d'Ostéopathie. Il est le premier pionner de l'implantation en France de cette thérapie.


 

 

 

 

 

Ostéopathie et religion :

 

Le rapport d'A.T Still à la religion et à Dieu est manifeste dans tous ses écrits et est indissociable des bases fondatrices de la philosophie de l'ostéopathie, malgré une évolution des thérapeutes actuels, vers une autre forme de sensibilité et de réflexion à ce sujet. Ce rapport à Dieu peut constituer une gêne, car de nombreuses théories développées par A.T Still se sont révélées erronées, par excès de confiance dans la capacité d'autoguérison du corps humain, en particulier, et par ignorance de ce que la science pourra révéler plus tard en physiologie et en biologie et que la médecine traditionnelle de l'époque ignorait tout autant d'ailleurs.

De ce fait, l'ostéopathie est facilement attaquable par les détracteurs de la discipline, les écrits de Still, peu nombreux, mais faisant systématiquement référence à Dieu, étant facilement sujet à une interprétation un peu trop étroite de l'état d'esprit dans lequel ce thérapeute voulait fonder son intuition thérapeutique, rigoureuse car s'appuyant fortement sur l'anatomie humaine et sur une expérience de la dissection, mais emprunte d'hypothèses qui apparaissent de nos jours un peu "légères".

 

Sans prendre position ici,  je propose de retranscrire si dessous, un extrait du livre de Jean-Marie Gueullette, cité plus haut, qui ouvre des pistes de réflexion sur la spiritualité,  qui interpelle, à mon sens aussi, la médecine traditionnelle, devant "l'inexpliqué, et l'inexplicable",  observés  tout autant rigoureusement au contact de la maladie, réflexions que l'on retrouve présent dans de nombreux écrits-témoignages de médecins, scientifiques ou de philosophes actuels. Je remarque pour ma part que spiritualité, philosophie et éthique médicale interventionniste (dans les grands sujets sociétaux que sont la fécondation, l'euthanasie par exemple..) ont parfois des frontières communes.

 

"« Il me semble que pour tenter d’y voir un peu plus clair dans ce dossier, il est utile de distinguer la présence de Dieu chez Still et la dimension spirituelle des héritiers de Sutherland. Chez Still, il s’agit d’une théologie naturelle, fondement rationnel à ses yeux de son attitude thérapeutique, sans participation de Dieu à l’acte ostéopathique. Cette nomination de Dieu n’est pas un bouche-trou pour dire l’inexplicable, mais le fruit d’une observation rigoureuse du corps humain. L’impact qu’elle a sur le travail ostéopathique me semble principalement d’ordre éthique, en plaçant un tiers dans la relation thérapeutique. Chez le dernier Sutherland et ses disciples, la situation est radicalement différente, car ce qui est de l’ordre de Dieu, source d’énergie bienfaisante, omnipotente, qui va pouvoir susciter un processus de guérison chez le patient, est identifié non pas par la démarche du raisonnement de la théologie naturelle, mais par une forme d’expérience sensible, exprimée ensuite par des termes venant du champ sémantique du religieux, sans que soit envisagée une nécessité de préciser de qui on parle. » 

 

Lien avec la physique quantique ? ( suite de l'extrait)

 " Mais ne peut-on voir cette part spirituelle du discours et de la pratique ostéopathiques, comme l’expression de l’une des potentialités étonnantes de cette discipline, qui serait d’avoir accès à une certaine perception de ce réel voilé dont l’existence est reconnue, sans pouvoir être décrite, par la physique fondamentale aujourd’hui ? Le physicien emploie aujourd’hui le terme de matière-énergie, pour exprimer qu’il ne peut choisir, et que la même réalité se manifeste soit comme matière soit comme énergie. Par la médiation de ses mains et non par celle des outils complexes de la physique, l’ostéopathe aurait-il une capacité analogue ? Il peut percevoir le corps humain soit comme matière, et l’on trouve ici la part essentielle de l’anatomie et de la biomécanique en ostéopathie, soit comme énergie et on trouve alors l’approche biodynamique ou celle du champ crânien.

Si certains ostéopathes emploient un vocabulaire qui est si proche du vocabulaire théologique, est-ce parce leur pratique est inspirée, qu’ils le reconnaissent ou non, par un système de représentation chrétien ? Est-ce parce que leur expérience d’être dépassés par quelque chose de plus grand qu’eux est en elle-même une expérience spirituelle ? Ou bien est-ce parce que devant ce réel voilé qu’ils entrevoient, non seulement par le sens du toucher qui est peu pourvoyeur de vocabulaire, mais aussi par une forme de perception qui dépasse le toucher, ils ne peuvent avoir recours qu’à des représentations issues du religieux, faute d’un vocabulaire approprié ? Est-ce l’une de ces trois perspectives qui est juste ou une combinaison des trois ? "

Lien avec l'embryologie...

Les modèles conceptuels ostéopathiques font très souvent référence à l'embryologie, c'est à dire à la genèse des tissus du corps humain. Le tissu conjonctif qui rentre dans la constitution d'une très large partie de la structure du corps humain (les os, les cartilages, les fascias, les muqueuses, le sang) est un terrain d'explication et de recherche passionnant pour l'ostéopathie, tant sur le plan de l'apprentissage de la perception, que de la mise au point de nouvelles techniques manuelles, que sur l'établissement des liens entre les dysfonctions et les structures. Sans vouloir développer ce sujet, il est surtout intéressant de faire un parallèle entre l'ostéopathie et l'embryologie humaine qui devient une discipline récemment reconnue comme étant à part entière, car elle a permis de démontrer, (grâce aux travaux d' Erich Blechschmidt), toute la spécificité physiologique et anatomique de l' embryon qui est essentiellement soumis, lors de son développement à des lois biodynamiques de mouvement cellulaire "intrinsèques". 

 

Dans son livre, très facile d'accès, " Comment commence la vie humaine", on peut y lire :

 

"Les mouvements matériels des molécules et de leurs composantes à l’intérieur de chaque

cellule font partie des mouvements de l’évolution. Les mouvements d’évolution étant des mouvements matériels contre une résistance, ils représentent, sur le plan physique, un signe de travail. Si nous prenons en compte les forces effectives qui s’exercent dans ce processus et qui nous sont aujourd’hui pour une large partie connues, pour le moins qualitativement, la morphologie cinétique nous amène à une morphologie biodynamique. Ainsi, l’embryologie

devient, de façon inattendue, une base nouvelle de la physiologie. ».

 

L'ostéopathie, de part la finesse de sa perception s'attache à contacter ces forces biodynamiques cellulaires, tissulaires,  inscrites dans le corps humain, depuis son mouvement originel, embryologique. C'est un travail de la main, régulier, conscient.